L'étrangethèse

Aujourd’hui, ma thèse est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un mail de mon directeur : « Thèse décédée. Entretien avec moi demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.

Le laboratoire est au métro Saint-Paul, à trois kilomètres de la BNF. Je prendrai l’autobus à deux heures et j’arriverai à deux heures quinze. Ainsi, je pourrai y aller et je rentrerai à 16 heures. J’ai demandé deux heures de sortie temporaire au bibliothécaire et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n’avait pas l’air content. Je lui ai même dit : « Ce n’est pas de ma faute » Il n’a pas répondu. J’ai pensé alors que je n’aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n’avais pas à m’excuser. C’était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute tout à l’heure, quand il me verra revenir du labo. Pour le moment, c’est un peu comme si ma thèse n’était pas morte. Après l’entretien avec mon directeur, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle.

J’ai pris l’autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J’ai mangé au café des temps, chez Jojo, comme d’habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Jojo m’a dit : « On n’a qu’une thèse. » Quand je suis parti, ils m’ont accompagné à la porte. J’étais un peu étourdi parce qu’il a fallu que je monte en haut-de-jardin chez Doyoubnf pour lui emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son master, il y a quelques mois.